Une cantine pour tous, par France Vega
Les phénomènes d’allergie et d’intolérance alimentaire concernent 10% de la population, voire plus chez les enfants. Les chiffres augmentent, il s’agit d’affronter de manière pertinente, ses conséquences. L’école est obligatoire et pour certains élèves, la cantine est un passage incontournable. Pour l’égalité de tous, il serait important que tout le monde y ait le même accès.
L’accès à la cantine pour les allergiques est-il possible ?
Extrait du mémoire de fin d’études de France Vega, diététicienne nutritionniste
Pour cela, il faut étudier d’un peu plus près l’accueil des jeunes allergiques ou intolérants dans les restaurants scolaires, afin de dresser un constat de la situation, détecter les problèmes et faire avancer les choses.
Etant atteinte personnellement par la maladie cœliaque, j’ai moi-même été concernée par l’un de ces accueils, je souhaite donc rendre compte de la complexité de la mise en place d’un Projet d’Accueil Individualisé (PAI), des contraintes que celui-ci impose aux cuisiniers sans oublier le ressenti de l’élève suite à son application.
Pour comprendre
L’allergie et l’intolérance alimentaires sont deux pathologies bien distinctes (Voir l’article « Allergie, intolérance ou encore hypersensibilité alimentaire, quelles différences ? »). Leur point commun : l’éviction totale voire définitive du produit dont on est allergique ou intolérant, ce qui implique une même prise en charge en restauration collective.
Pour assurer un accueil plus adapté des élèves atteints par ces pathologies, un Projet d’Accueil Individualisé (PAI) définit les adaptations qui devront être apportées à la vie de l’enfant ou de l’adolescent durant l’ensemble de son temps de présence au sein de la collectivité. Reste que si l’accueil est obligatoire selon la loi, dans quelles conditions sa fait-il réellement ?
Les résultats de l’étude de terrain
La mise en place de deux questionnaires distincts, l’un destiné aux élèves concernés a permis de se rendre compte de la situation réelle de leur accueil, l’autre destiné aux chefs cuisiniers a permis de connaître leur manière de faire et de mettre en lumière leurs difficultés.
Les résultats sont les suivants :
Questionnaire élèves (203 réponses) :
- Les élèves ne signalent pas forcément leurs pathologies à l’école (12.8%) car ils n’en voient pas l’intérêt (puisqu’ils ne mangent pas à la cantine).
- Plus d’un quart des élèves accueillis ont déjà rencontré des problèmes au moment de leurs repas (non gestion des contaminations croisées, manque de communication dans l’équipe des cuisiniers, échange de repas entre élèves, oubli de préparation de repas…)
« La dame de la cantine m’a donné du chocolat alors que je n’avais pas le droit »
- Certaines structures n’accueillent pas ces élèves (30%) par manque de temps, de personnel, de formations, d’organisation mais aussi car cela demande trop de responsabilités et qu’ils ne peuvent pas garantir la traçabilité de ce repas particulier.
« Une cantinière m’a servi un peu plus de pâtes, mais ce n’était pas les miennes »
Questionnaire chefs cuisiniers (16 établissements scolaires) :
- Il n’y a pas d’obligation de moyen mais des obligations de résultats, ainsi toutes les méthodes sont bonnes à prendre du moment que le plat final est exempt de l’allergène dont il est question (préparation du repas à part, un cuisinier cuisine pour ce repas particulier, élaboration du repas avant ou après le processus de production afin d’éviter toutes contaminations croisées…).
- Certaines structures acceptent que les parents fournissent certains produits particuliers, d’autres non pour des raisons de traçabilités et d’hygiène.
- Certaines structures accueillent l’élève avec un panier repas (car elles ont peur de mal faire).
- Plus de deux tiers d’entre elles aimeraient avoir des formations concernant les allergies.
Quelles conclusions, quelles actions pour une cantine pour tous ?
Il serait important que ces élèves puissent profiter pleinement du service de restauration pour faciliter leur insertion, mais lorsque cette prise ne charge est réalisée, d’autres problèmes surgissent par manque de communication, de formation et d’organisation. Il faudrait ainsi :
- Rendre obligatoire le signalement des allergies.
- Instaurer un dialogue entre l’élève, les parents, l’infirmier et les cuisiniers.
- Proposer des formations aux cuisiniers.
- Avoir une personne référente pour répondre rapidement à toutes les questions.
« J’aimerai pouvoir manger à la cantine, parce qu’à l’âge de pré et adolescente, il est extrêmement important de se sentir « comme les autres »
France VEGA, diététicienne nutritionniste, a mené cette étude dans le cadre d’un mémoire de fin d’études (BTS diététique lycée Jean Rostand Strasbourg, 2016-2018).
« Diagnostiquée Cœliaque en 2011, je mets à présent mon expérience personnelle au profit du sans gluten. Depuis juillet 2019, je prends en charge et j’accompagne au mieux les nouveaux intolérants. Volontaire, je suis aussi expert diététicienne chez les sapeurs-pompiers et chargée de veiller sur leur alimentation et leur santé ».